-
Les rôles ou registres qui fixent les redevances seigneuriales et les dîmes ont été rédigés en langue allemande jusqu’en 1659.
Depuis le traité des Pyrénées, le pays de Thionville, avec Gandrange et Boussange, est passé sous la souveraineté française.
Le Français est devenu la langue officielle… Tous les actes sont en langue française.
Les recensements qui y figurent ne sont ni réguliers ni précis. Ils nous permettent cependant de nous faire une idée du nombre d’habitants de notre village à la veille de la Révolution.
Nombre de « Feux » (ou foyers) enregistrés entre 1664 et 1790 :
1664 : 18 habitants
1698 : 22 habitants
1726 : 1729 : 18 habitants soit 100 communiants
1730 : 30 chefs de famille
1745 : 80 communiants, auxquels il faut ajouter les enfants de moins de 12 ans.
1750 : 28 feux
1760 : 26 feux
1789 : 33 feux d’après les cahiers de doléances
1790 : 31 d’après le rôle de la redevance de la poule
Les femmes, sauf les veuves, ne figurent pas sur les registres. Les enfants ne sont pas recensés.
Les mariages étaient célébrés alternativement à Amnéville et à Vitry. Presque tous les baptêmes se faisaient à Vitry, seuls les enterrements étaient tous faits à Gandrange.
-
La Révolution va se mettre en route lors de la réunion des États-Généraux convoqués par Louis XVI pour le 5 mai 1789.
Le roi doit demander l’accord de ses sujets pour augmenter ou réformer les impôts. Chaque village de France devra rédiger un cahier de doléances.
Tout en continuant à vaquer à leurs occupations habituelles, Gandrangeois et Boussangeois vont établir l’inventaire de leurs difficultés et confier au cahier toutes leurs aspirations.
« Doléances de la Communauté de Gandrange
Nous sollicitions la suppression de la Gabelle, pour raison que nous payons le sel un prix exorbitant et avons du très mauvais sel.
À l’égard du tabac, nous sommes traités de la même sorte.
Diminution des tailles et autres impositions, dont les augmentations ont toujours régné jusqu’à cejourd’hui. La quantité de mandatements faits à la communauté leur est toujours coûteuse, c’est-à-dire qu’on envoie plusieurs feuilles dont une pourrait suffire pour le tout.
Diminution des droits de contrôle et un tarif certain pour leur perception.
Suppression des moulins banaux, pour raison que les habitants dudit lieu sont exposés au péril toutes les fois qu’ils sont obligés de porter leurs grains dans ledit moulin, faute de chemins ni pont sur la rivière Orne, qu’il faut nécessairement passer pour parvenir audit moulin, lequel est situé en Lorraine et où il n’y a ni poids ni balance.
Faire contribuer aux impositions tous les nobles et privilégiés indistinctement suivant leur fortune et facultés.
Suppression des traites foraines pour raison que nous sommes voisins et ban limitrophe avec la Lorraine. Nous ne pouvons nous procurer ni débiter, ni transporter aucune chose pour l’entretien et le nécessaire tant par voitures que charges à dos de bestiaux : ce qui nous porte un préjudice considérable par la sujétion des acquits.
Pour un bois que nous avons acensé en Lorraine, dont nous en payons la rente au domaine d’une quarte d’avoine par chaque habitant par année et dont nous sommes privés de la haute futaie, dont nos ancêtres jouissaient autrefois, et présentement que nos titres se trouvent égarés, (cela) nous porte un préjudice très considérable. Après avoir fait toutes les recherches possibles, nous n’avons pu les découvrir. Ce étant, ces Messieurs de la gruerie se sont emparés de ladite futaie et nous ont laissé la petite resouille, qui n’est que très peu de chose, qui ne vaut pas la façon à cause de la distance où nous de ce dit bois.
A l’égard des pâquis, dont le seigneur en tire son tiers, il faut néanmoins que la communauté en paye les vingtièmes : ce qui nous fait encore un préjudice.
De même que la rivière qui nous appartenait ci-devant et qui nous a été ôtée et que nous sommes encore chargés des vingtièmes ce qui nous est très préjudiciable.
Ce texte du 9 mars 1789 porte la signature de 15 des 33 représentants des familles de Gandrange, Geury Jacquemot Antoine Archein iront déposerce document au baillage de Thionville. Ils sont les députés de Gandrange
Ont signé le Cahier de Doléances :
Jean Deniset, Geury Jacquemot, Geury Monpeurt, Jean Aubertin, Gabriel Blanrue, Nicolas Coupette, Gabriel Reither, Etienne Rondel, Antoine Rondel, François Etienne, Nicolas Fourquin, Jean-Nicolas Barthélémy, Jean-Batis Oury, Antoine Archein, Pierre Michel, syndic.
Assemblée du 8 mars par devant Jean Collet, syndic ; publication au prône le 8 mars par le curé
18 feux. Pas de liste de comparants : 11 signatures.
Députés : Jean Collet et Georges Forfer.
- Cahier des doléances, plaintes et remontrances de la Communauté de Boussange.
- Article 1 : Ladite communauté demande la diminution des impositions royales (vu) que depuis 20 ans elles ont augmenté du double et qu’au contraire les revenus sont moins onéreux parce que les terrains ne sont que de très peu de produit.
- Article 2 : Majesté accorde des pensions à des vétérans qui se retirent dans nos provinces, ayant fait fortune à son service et qui ont acquis des biens dans notre communauté et veulent jouir des exemptions des impositions royales et en jouissent en effet par des cotes modiques suivant la taxe des intendants; C’est ce qui fait une surcharge aux communautés. Tel que (le) nommé Jacques Lavrich, sergent-major du régiment Royal-Auvergne qui s’est retiré à Boussange avec une pension due à son grade, tire les bénéfices de notre communauté, est titulaire de 60ours de terre, 3 maisons, une de maître, une de fermier, une métairie de vignes, un pressoir et des jardins en suffisance et s’est fait taxer d’office pour toute imposition à 27 livres : c’est ce qui écrase notre communauté.
- article 3 : Elle demande les communautés qui payent la dîme fussent déchargées de la bâtisse et de l’entretien des nefs d’églises telles qu’elles étaient anciennement.
- Article 4 : Il serait bon de mettre un frein à la multiplicité des procès, à leur lenteur et aux frais qu’ils occasionnent et de trouver le moyen d’empêcher les gens de campagne de plaider et de se ruiner.
- Article 5 : Elle demande la liberté des sels et tabacs, surtout du sel, chose nécessaire à la vie, non seulement pour les hommes mais encore pour les bestiaux. La gêne dans laquelle on est pour se pourvoir de ces deux objets occasionne beaucoup de contrebandiers, de vexations de la part es employés, la perte de beaucoup d’hommes pour les travaux de campagne. Nous sommes d’autant plus autorisés de faire cette réclamation que notre pays jouissait autrefois de la liberté de ces deux marchandises.
- Article 6 : Elle demande la suppression des droits d’acquits et hauts-conduits qui empêchent la communication des sujets du même royaume pour toute marchandise.
- Article 7 : La communauté se plaint qu’étant de la province des Trois-Evêchés et près de Metz, ses vins sont réputés étrangers pour le pays messin, tandis qu’il n’y a point de réciproque.
- Article 8 : Il serait à désirer que pour l’aisance des provinces limitrophes, il y eût de l’uniformité dans les mesures et dans les (monnaies).
- Article 9 : Elle désire que l’on avise des moyens de ne plus assujettir les campagnes au tirage de la milice, comme source de frais et de dérangement dans la jeunesse
- Article 10 : Elle désire que l’on donne les moyens pour faire exécuter l’ordonnance concernant les volières des pigeons ; qu’ils soient renfermés pendant les mois de semailles et de moisson. La communauté désirerait aussi que l’on emploie un moyen sûr pour empêcher le trafic des denrées qui sont d’un prix exorbitant et c’est ce qui cause la ruine du peuple.
Elle désirerait encore que la multiplicité des impositions soit moins coûteuse pour la perception : une taille unique sera moins coûteuse, étant levée sans frais, comme la subvention.
La communauté désirerait encore que les tiers dont les seigneurs jouissent comme ils étaient ci-devant.
Ladite communauté se soumet à tous les avantages que l’Etat se propose ‘ordonner pour le bien public.
Ladite délibération faite en pleine assemblée dans la chambre ordinaire et accoutumée (en) présence de Jean Colette, syndic de la Municipalité, assisté des membres de la communauté.
Fait audit lieu de Boussange ce 8 mars 1789. »
les deux délégués de la commune déposèrent le Cahier de Doléances au Baillage de Thionville.
-
La Révolution était en route… Les faits…
- 17 juin 89 : Les députés du Tiers État se proclament Assemblée Nationale.
- 20 juin 89 : Serment « du Jeu de Paume »… Nous ne nous séparerons pas…
- 9 juillet 89 : L’Assemblée prend le nom d’Assemblée Constituante. Le roi concentre 20 000 soldats autour de Paris.
- 14 juillet 89 : C’est la prise de la Bastille par le peuple de Paris. C’est « la grande peur ». Dans les campagnes, les paysans s’emparent des châteaux et les incendient parfois. Ils détruisent les archives qui permettaient la perception des droits seigneuriaux.
Ce n’est qu’en novembre 93 que ces documents furent découverts au presbytère d’Amnéville. Ils furent brûlés en présence des citoyens de Gandrange et d’Amnéville le 11 novembre « an II de la République » (1793).
- Nuit du 4 août 89 : Abolition des privilèges
- 26 août 89 : Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen
C’est la loi du 16 novembre 1789 qui établit les départements, les districts les cantons et les communes.
Gandrange et Amnéville (décret de 1790) forment une municipalité rattachée au district de Thionville, Canton de Florange. Les Maires, nommés par le Préfet jusqu’en 1831, restent rarement en fonction plus d’un an. Boussange est rattachée à Gandrange en 1812 (décret impérial).
Fondée à Paris le 13 juillet 1789, placée sous les ordres de La Fayette, La Garde Nationale est installée au village en 1792.
En font partie, tous les hommes de seize à soixante ans, capables de porter les armes.
Cinquante et un de nos concitoyens en feront partie en 1792 (Pour Gandrange et Amnéville). Ils ne seront plus que trente, quatre ans plus tard.
C’est Bonaparte qui supprimera la Garde Nationale.
L’Assemblée confisque les biens d’église, oblige les prêtres à prêter serment à la Constitution civile du clergé.
L’Assemblée Législative (octobre 1791) multiplie les actions contre les nobles émigrés et les prêtres réfractaires : les quelques moines qui vivent encore au Justemont vont quitter l’abbaye.
Le dernier moine, le Père Pierson prête serment de liberté égalité en 1792 puis se retire à Vitry.
Attribué au district de Briey, le monastère sera vendu en 1793 à Paul Archein, marchand à Uckange.
… la révolution n’a rien changé au mode de vie de nos anciens …
La consultation des divers registres et recensements établis pendant cette période montre que la vie économique de nos villages n’a pas été affectée. Agriculture, élevage, viticulture et activité artisanale… la révolution n’a rien changé au mode de vie de nos anciens.
On cultive le blé, l’avoine, l’orge mais aussi les légumes secs : pois, haricots lentilles et … la pomme de terre, introduite par le brave M. Parmentier.
Une partie des terres est réservée à la culture du chanvre (chènevières).
Élevage en 1792 : 59 vaches, 183 moutons, 26 porcs.
-
Volontaires de 1792
Pendant ce temps, les armées étrangères se pressent sur nos frontières…La patrie est en danger !
Les « Volontaires de 1792 » vont rejoindre les armées de la République.
Peu de volontaires à Gandrange… « Il faut faire la moisson ! »… Plusieurs de nos concitoyens, tout de même, serviront vaillamment la patrie.
Les jours passent… Robespierre, Saint-Just, Danton, Marat vont prendre la direction de la nouvelle Assemblée.
La Convention crée le Tribunal Révolutionnaire. La terreur s’installe.
Condamné à mort Louis Capet, roi de France, est conduit à l’échafaud le 21 janvier 93…
Et, pendant que les têtes tombent, que les armées de l’Europe se pressent à nos frontières, que les « Marseillaises » éclatent aux quatre coins de France… Pierre, Jean et Martin, petits écoliers Gandrangeois, s’exercent à la lecture et à l’écriture à l’école du village. C’est que l’école est une très ancienne institution à Gandrange.
En 1684, d’après le visiteur épiscopal (envoyé de l’évêque) les enfants du village n’allaient pas à l’école et étaient ignorants. Louis XIV avait alors publié une ordonnance (1695) rendant, en principe, la fréquentation de l’école obligatoire, mais dans les villages cette prescription restait lettre morte.
En 1698, un autre visiteur fait le compte rendu suivant : « Parents et enfants sont d’une grande ignorance à cause du curé d’Amnéville (qui, venant de Trèves, ne savait probablement que très peu le français) et du maître d’école qui est là depuis 20 ans. »
Il fallait alors fréquenter l’école qui se trouvait à Amnéville, paroisse dont dépendait Gandrange… et il n’y avait pas de service des transports scolaires !
La première école fut installée à Gandrange en 1833 jumelée avec le presbytère au 18 de la rue Jeanne d’Arc.
Sous l’ancien régime, le maître d’école, moyennant une indemnité de logement se débrouillait pour trouver un toit et un local pouvant servir de salle de classe.
La Constituante (1791) décrète qu’il serait créé et organisé une instruction publique pour remplacer celle de l’ancien régime, gérée par la communauté paroissiale. Les communes, faute d’argent, ne sont pas pressées de fonder ces écoles… Boussange se déclare « trop pauvre pour loger et entretenir un maître d’école ».
Le premier, François Semin, sera engagé en 1802 avec mission de « répondre à la messe les dimanches et fêtes sonnée (sic !) l’angélus trois fois par jour, tenir l’église propre et blanchir les linges en temps utile et tenir l’école depuis Toussaint jusqu’à pacques » (re- sic )
À Gandrange, c’est le sieur Semin Bernard qui exerça ses talents pendant la période révolutionnaire… Un personnage ce « régent d’école » !.
Né à Richemont, il fut d’abord maître-tailleur d’habits. Il exerça en qualité de régent d’école à Gandrange de 1779 à 1788. Veuf de Marguerite Pételot en 86, il épousa trois mois plus tard Thérèse Blanrue. Veuf pour la seconde fois, il contracta un troisième mariage avec Marie Vincent.
Sexagénaire, ayant perdu sa 3ème épouse, il se remaria avec Marie Faber, beaucoup plus jeune que lui qui lui donna encore plusieurs enfants…
Septuagénaire, il déclare une dernière naissance le 22.2.1821 alors qu’il exerce toujours dans la commune.
En 1822, sourd et âgé, Semin Bernard n’est plus à la hauteur de sa tâche. La commune le remercie et le remplace. Il mourût à l’âge de 82 ans.
Une première révolution des idées se termine. La révolution industrielle est déjà lancée…
Puissions-nous garder cet héritage de Liberté d’égalité et de fraternité.
J.C. STAMER